Une friandise ne fait de mal à personne, surtout si elle est à base de cacao. Un peu partout à Madrid, de nombreux artisans chocolatiers travaillent la meilleure des matières premières. Des mains de ces grands maîtres sortent des créations qui sont une véritable tentation. À savourer absolument. Par Silvia Roba
Pour Valle-Inclán, le chocolat était le « pain des dieux ». Un produit qu'il savoura certainement sous forme de chocolat chaud lors d'une tertulia, ces fameuses réunions littéraires qui connurent un très grand succès à son époque. Cette boisson populaire à base de cacao introduit en Espagne depuis l'Amérique, y était toujours présente. À l'origine, seule la haute société la dégustait, y compris les membres de la royauté, qui la fit découvrir au reste de l'Europe. Mélangé à du sucre, et non à des piments, comme le faisaient les Mayas et les Aztèques, le cacao apportait de grandes doses de bonheur, même si certains affirmaient qu'il rendait nostalgique.
Au cours du XIXe siècle, sa consommation devient populaire et des fabriques de chocolat, qui le confectionnaient également sous forme de carrés, voient le jour. Les plus notoires à Madrid furent La Colonial, toujours en activité, Matías López, avec sa célèbre publicité des gros et des maigres, et El Indio, dans la rue de la Luna, qui possédait son propre moulin. Dans les chocolateries d'aujourd'hui, de grands maîtres y travaillent le chocolat comme matière première. Tout un art.
Ricardo Vélez était âgé de vingt ans lorsqu'il rejoint Lhardy. Aujourd'hui, après avoir reçu le prix du meilleur pâtissier de l'Académie internationale de la gastronomie et ouvert trois établissements à Madrid, il renoue avec ses origines. Il vient d'être nommé responsable de la carte des desserts du restaurant centenaire, un lieu pour lequel il ressent « une affection particulière ». Surnommé le « Chef du cacao », il a un lien affectif très fort avec Madrid. Il y tient en effet également la chocolaterie Moulin Chocolat, située près du parc du Retiro, qui a fêté son quinzième anniversaire en 2021.
Sa vitrine est une véritable tentation, elle foisonne de mets exquis qui sont le fruit de l'influence française de Ricardo et de son amour pour le chocolat. Bien que ses macarons et ses roscones (galettes des rois) rencontrent un franc succès, bien d'autres délices valent la peine d'être goûtés, tels que les très prisés palmiers et truffes.
C'est précisément en pleine préparation de ces irrésistibles petites boules qu'il nous reçoit dans sa pâtisserie, aux côtés de son collaborateur David Durán. Ricardo nous rappelle que tout ici est cent pour cent artisanal et qu'ils utilisent la meilleure matière première dans la fabrication de tous leurs produits. C'est le cas pour les truffes fourrées avec un praliné réalisé ici même « à l'ancienne, pour que nous sentions en bouche les petits morceaux de fruits secs » qu'il incorpore dans son élaboration (des noisettes par exemple) avec du « sucre Circa, le plus naturel du monde. Il provient du Panama et est cultivé sur le flanc d'un volcan ».
Tandis que David termine le processus de fabrication dans une sorte de bétonnière miniature, où ils sont en mesure de « rouler dans du cacao jusqu'à 500 truffes en 40 secondes à la main », Ricardo nous livre d'autres secrets.
Chez Moulin Chocolat est principalement utilisé le chocolat Guanaja 70 % de Valrhona, intense et élégant, un mélange de cacaos américains créoles. Pour leurs biscuits Happy Manjari, ils optent pour le chocolat Manjari, pur Madagascar, avec une pointe de sel. Et, c'est vrai, comme le suggère leur nom, en manger un, ou plusieurs, vous égaye la journée !
Originaire de l'île de La Palma, Carmen Capote a transformé, en seulement trois ans, un petit magasin du Barrio de Salamanca en un passage obligé pour les plus gourmands. En effet, il s'agit d'une chocolaterie d'auteur. Lorsque Carmen était enfant, son père venait toujours la chercher à l'école avec une tablette de chocolat. Un jour, elle s'est tellement empiffrée qu'elle n'en a plus jamais mangé... jusqu'à son arrivée au Cordon Bleu de Paris, où elle a étudié. Son magasin, et celui qu'elle a récemment ouvert dans la rue de Zurbano (au numéro 54), est pour elle « un rêve devenu réalité ».
Et que pouvons-nous ramener chez nous ? « Des créations délicates et originales pour créer des souvenirs qui nous accompagnent dans les moments forts. De délicieuses bouchées aux ingrédients différents et inspirants qui vous invitent à en reprendre », déclare Carmen.
Ces créations prennent la forme de chocolats, de différentes couleurs et saveurs, de tablettes créatives avec des toppings surprenants, de truffes, d'orangettes et de quartiers d'orange confite enrobés de différents chocolats. Tous les produits sont fabriqués sur place à la main, chaque jour. Écoutons-la : « le chocolat c'est magique, c'est du bonheur ».
Difficile de trouver à Madrid un maître chocolatier aussi charismatique et drôle que Paul-Hector Bossier, né à Gand mais grand amoureux de notre pays. Il va sans dire qu'il utilise pour toutes ses créations de l'authentique chocolat belge dans son établissement, situé en plein cœur du vieux Madrid, qui a conquis des légions de fans dans le quartier et au-delà.
Preuve de cette fusion culturelle dont il est fier, vous trouverez ici des figures en chocolat aussi bien de Tintin et Milou que de l’ours et l’arbousier, symboles de Madrid. Sa spécialité sont les truffes fourrées aux saveurs variées (café, orange, noix de coco...), tout comme leurs enrobages.
En hiver, il ne faut pas passer à côté de son chocolat chaud, prêt à emporter, même si certains préféreront sûrement ses chocolats (blancs ou noirs, fourrés à la noisette, à l'orange, voire à la tomate séchée) et ses gaufres de Liège. Un travail artisanal que tout le monde est invité à venir voir de ses propres yeux.